Après avoir retrouvé YAS (Yoshikazu Yasuhiko) avec bonheur sur le mythique Arion, l'éditeur poursuit l'édition de son catalogue avec l'explosif et rude Venus Wars cette fois, nous emmenant sur une planète au bord de la rupture.
L'auteur semble aimer ces ruptures. Il nous avait déjà embarqués dans une épopée mythologique sombre où l'Olympe était au plus mal. Il recommence ici avec la planète Venus, théâtre de toutes les convoitises maintenant qu'elle est habitable. Sauf que là où Arion était une aventure très personnelle, Hiro, le jeune héros de Venus Wars qui porte si bien son nom, embarque tout un escadron avec lui !
Première oeuvre de YAS à avoir reçu une reconnaissance internationale grâce à son adaptation en film animé, Venus Wars est cependant une oeuvre de son époque. On peut admirer, grâce au grand format (18 x 25 cm) proposé par l'éditeur, les planches de celle-ci, mais on est loin des codes actuels. C'est une oeuvre bien plus nerveuse, au trait encore très noir, même si un brin plus fin que dans Arion. On y retrouve l'appétence de l'auteur pour les techniques de délavés, aquarelle, sur des noirs profonds, qui rendent à merveille l'ambiance de guerre crasse de l'histoire. La narration, elle, est typique des années 80, aussi bien dans l'esthétique des tenues, rappelant bien Macross ou Gundam notamment, que dans les relations, surtout entre hommes et femmes, qui ne dépareilleraient pas d'un Saint Seiya, par exemple. Ayant grandi avec des animés de cette époque, j'avoue que ça touche ma fibre nostalgique, mais je lève aussi les yeux au ciel tant c'est désormais dépassé, laissant apparaître les maladresses d'alors.
Côté histoire, même si elle nous embarque bien, c'est somme toute un conflit planétaire assez classique où l'on va suivre une troupe d'intervention particulière de l'armée de la planète, tandis qu'elle est en proie à l'invasion. Assauts et moments de bravoures un peu fou sont au rendez-vous, ainsi que disputes avec les autorités et vie de camp compliquée quand la tension monte suite aux défaites. L'auteur nous montre peu au final cette planète Venus qui suscite les convoitise et se concentre plutôt sur le côté héroïque des Hound qu'a rejoint Hiro. Cela donne lieu à de superbes scènes de combat assez athlétiques avec ses jeunes à dos de motos bien lourdes. L'auteur a vraiment un don pour dessiner ces engins et nous rendre la violence, la saleté et l'absurdité des combats où l'on se perd. Si on aime les récits de guerre, c'est chouette à suivre. Si on souhaite une SF plus nourrie, c'est un peu faible.
De la même façon, le but de l'auteur est de mettre en avant le côté héroïque de certains jeunes, représentés ici par Hiro, dont le nom veut dire héros, et qui rappelle les kamikazes de la Seconde Guerre Mondiale. Il y a ainsi un message sous-jacent quant aux terribles manoeuvres des autorités, leur manière d'utiliser les soldats comme chair à canon sans réfléchir, tout en se protégeant eux à l'arrière. Nous sommes certes dans un manga de guerre, mais le message est pacifiste et Hiro est un peu un objecteur de conscience poussé par son altruisme sur les champs de bataille, qui se bat ensuite pour protéger ceux qu'il aime. L'idée est belle. En revanche, la mise en scène est plus sommaire, presque un peu simple parfois, avec des caractérisations de personnages que j'ai connues plus poussées. On manque de figures développées en dehors d'Hiro. Son chef d'escadrille brille par son charisme mais on ne sait rien de plus sur lui, c'est faible. Ses camarades Hound n'ont même pas de nom, sauf un, après sa mort Les femmes qui l'entourent fleurent pas l'écriture des années 80 entre le côté sexy des unes, lointaines presque froides des autres, ou au contraire timide et toujours soutenante de la copine du héros. Je ne sais qu'en penser, certaines me mettent mal à l'aise, d'autres me donnent de l'espoir.
Venus Wars est un récit à nouveau sombre dans lequel on s'embarque facilement grâce à un héros, gentil rebelle altruiste, qu'on a envie de suivre dans sa lutte contre l'invasion de sa planète par des forces extérieures non légitimes qui écrasent tout sur leur passage. L'écriture cependant est datée sur bien des aspects et l'intrigue est assez superficielle et peu développée. Ce qui l'emporte, ce sont les combats aussi bien dans leur philosophie pacifiste, dénonçant cette violence inutile et injuste, que dans leur dimension graphique à couper le souffle encore une fois. C'est donc une lecture à la fois intense et frustrante, mais je suis ravie que l'éditeur poursuive la découverte de l'oeuvre de YAS. Merci !
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